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Benoit XVI, comme une bougie

Successeur de Jean Paul II et prédécesseur de François, le pape émérite Benoît XVI, né Joseph Ratzinger, vient de mourir à l’âge de 95 ans. Toute la vie de ce théologien davantage que politique a été marquée par la recherche de vérité et le service de l’Église catholique.

Benoît XVI représentait l’un des derniers témoins du passage d’un monde à l’autre, d’un XXe siècle meurtri par la guerre, pétri d’espoirs de renouveau et achevé dans les angoisses du passage à ce nouveau siècle si incertain.

Il a également incarné une fonction et des responsabilités qui semblaient loin de ce à quoi sa naissance le prédisposait. Joseph Ratzinger, l’enfant qui jouait à être prêtre, le théologien qui aspirait à l’évolution de l’Église catholique, le cardinal qui en assura et assuma la permanence, le pape qui osa renoncer à sa charge en 2013, est parti, à 95 ans, rejoindre ce Dieu qu’il n’a cessé de servir et de désirer.

Durant ses presque 10 années passées comme « pape émérite » – période plus longue que son pontificat : un peu moins de huit ans –, celui qui s’était retiré dans le monastère Mater Ecclesiæ, dans l’enceinte même du Vatican, a livré, à chaque signe de vie, la chronique discrète d’un effacement progressif.

Dès 2016, son secrétaire Georg Gänswein ne déclarait-il pas que Benoît XVI était « en train de s’éteindre lentement, comme une bougie » ? L’image a marqué les esprits, comme celle du même homme cinq ans plus tôt, lors des JMJ de Madrid, debout devant la foule de jeunes alors que l’orage se déchaînait tout autour.

Des tempêtes, Joseph Ratzinger en a croisé. « Humble serviteur dans la vigne du Seigneur », selon ses mots le jour de son élection en avril 2005, il n’a bien sûr pas fait l’unanimité, traînant derrière lui des soupçons de dureté doctrinale hérités de ses années à la tête de la Congrégation pour la doctrine de la foi, et de conservatisme poussiéreux, alimenté par son goût pour les anciens attributs pontificaux qui chargeaient sa garde-robe.

Malentendu, sans doute : ce serviteur n’éprouvait-il pas le besoin de convoquer les signes visibles de son ministère pour mieux faire disparaître sa personnalité propre derrière la figure du pape ? Ne demeura-t-il pas, au fond et avant tout, serviteur de l’Église et de la papauté… jusque sur le trône de Pierre ?

D’une remarquable liberté intérieure, il continuait à signer des livres sous son nom de baptême, et avait renoncé sur son blason à la tiare, symbole du pouvoir romain, lui préférant une simple mitre d’évêque.

Théologien de haut vol mais érudit timide, professeur plutôt que meneur d’hommes, Joseph Ratzinger s’est heurté à cette question : comment être pape ? Certains, tels Jean Paul II ou François, le sont par toutes les fibres de leur être, dès les premières secondes. Lui l’a été presque à son corps défendant, révélant un visage à contre-courant dans un monde où le bruit, l’image et l’émotion prennent chaque jour un peu plus le pas sur l’intériorité et l’effacement.

Sa recherche exigeante de vérité (sa devise était « Coopérateurs de la vérité »), sans jamais chercher à séduire, a parfois rencontré l’incompréhension. Fin spirituel, Benoît XVI manquait pourtant de sens politique : sa difficulté à bien s’entourer, son refus des rapports de force, dont certains ont su abuser, ont pu contribuer à jeter une ombre – l’ombre d’un doute – sur l’influence de quelques proches ces dernières années, alors même qu’il fut l’un des premiers à prendre la mesure de la crise des abus et violences sexuelles qui minait l’Église comme un poison mortel. Le mentionner peut être troublant à l’heure des hommages, mais l’histoire récente a montré que céder trop facilement à une forme de « papolâtrie » – comme d’ailleurs de « papophobie » – risquait surtout de faire écran à une juste lumière.

Le pape Benoît XVI conduit le chemin de croix (Via Crucis) le vendredi saint devant le Colisée, à Rome, en Italie, le 6 avril 2012.

Le pape Benoît XVI conduit le chemin de croix (Via Crucis) le vendredi saint devant le Colisée, à Rome, en Italie, le 6 avril 2012. • VANDEVILLE ERIC/ABACA

Ainsi vont les grands destins. Avec la reine Elizabeth II, dont il était d’un an le cadet, Benoît XVI représentait l’un des derniers témoins du passage d’un monde à l’autre, d’un XXe siècle meurtri par la guerre, pétri d’espoirs de renouveau et achevé dans les angoisses du passage à ce nouveau siècle si incertain.

Comme elle, il a également incarné une fonction et des responsabilités qui semblaient loin de ce à quoi sa naissance le prédisposait. Joseph Ratzinger, l’enfant qui jouait à être prêtre, le théologien qui aspirait à l’évolution de l’Église catholique, le cardinal qui en assura et assuma la permanence, le pape qui osa renoncer à sa charge en 2013, est parti, à 95 ans, rejoindre ce Dieu qu’il n’a cessé de servir et de désirer.

Durant ses presque 10 années passées comme « pape émérite » – période plus longue que son pontificat : un peu moins de huit ans –, celui qui s’était retiré dans le monastère Mater Ecclesiæ, dans l’enceinte même du Vatican, a livré, à chaque signe de vie, la chronique discrète d’un effacement progressif.

Dès 2016, son secrétaire Georg Gänswein ne déclarait-il pas que Benoît XVI était « en train de s’éteindre lentement, comme une bougie » ? L’image a marqué les esprits, comme celle du même homme cinq ans plus tôt, lors des JMJ de Madrid, debout devant la foule de jeunes alors que l’orage se déchaînait tout autour.

« Humble serviteur dans la vigne du Seigneur »

Des tempêtes, Joseph Ratzinger en a croisé. « Humble serviteur dans la vigne du Seigneur », selon ses mots le jour de son élection en avril 2005, il n’a bien sûr pas fait l’unanimité, traînant derrière lui des soupçons de dureté doctrinale hérités de ses années à la tête de la Congrégation pour la doctrine de la foi, et de conservatisme poussiéreux, alimenté par son goût pour les anciens attributs pontificaux qui chargeaient sa garde-robe.

Malentendu, sans doute : ce serviteur n’éprouvait-il pas le besoin de convoquer les signes visibles de son ministère pour mieux faire disparaître sa personnalité propre derrière la figure du pape ? Ne demeura-t-il pas, au fond et avant tout, serviteur de l’Église et de la papauté… jusque sur le trône de Pierre ?

D’une remarquable liberté intérieure, il continuait à signer des livres sous son nom de baptême, et avait renoncé sur son blason à la tiare, symbole du pouvoir romain, lui préférant une simple mitre d’évêque.

Théologien de haut vol mais érudit timide, professeur plutôt que meneur d’hommes, Joseph Ratzinger s’est heurté à cette question : comment être pape ? Certains, tels Jean Paul II ou François, le sont par toutes les fibres de leur être, dès les premières secondes. Lui l’a été presque à son corps défendant, révélant un visage à contre-courant dans un monde où le bruit, l’image et l’émotion prennent chaque jour un peu plus le pas sur l’intériorité et l’effacement.

« Coopérateurs de la vérité »

Sa recherche exigeante de vérité (sa devise était « Coopérateurs de la vérité »), sans jamais chercher à séduire, a parfois rencontré l’incompréhension. Fin spirituel, Benoît XVI manquait pourtant de sens politique : sa difficulté à bien s’entourer, son refus des rapports de force, dont certains ont su abuser, ont pu contribuer à jeter une ombre – l’ombre d’un doute – sur l’influence de quelques proches ces dernières années, alors même qu’il fut l’un des premiers à prendre la mesure de la crise des abus et violences sexuelles qui minait l’Église comme un poison mortel. Le mentionner peut être troublant à l’heure des hommages, mais l’histoire récente a montré que céder trop facilement à une forme de « papolâtrie » – comme d’ailleurs de « papophobie » – risquait surtout de faire écran à une juste lumière.

L’histoire saura bien faire le tri entre ses courages, ses erreurs, sa lucidité et ses angles morts. Pour l’heure, une chose est certaine : parvenu au terme de son « pèlerinage », rendu enfin à « la maison du Père » dont il parlait parfois avec une simplicité touchante, Joseph Ratzinger-Benoît XVI continue de porter l’Église par sa prière, comme une humble bougie qui, désormais, ne faiblira plus.

Article de la Vie du 31 décembre 2022. Lire ICI l’article intégral.